Le secteur bancaire et financier tunisien face à la crise du COVID-19.
Vendredi 15 mai 2020, Hervé Lacorne, CIO de WinstantPay et PDG de WorldKYC, a été invité au webinaire organisé par le think tank tunisien The Banker: "L'impact de la crise du COVID19 sur le secteur bancaire et entre défis et opportunités".
Hervé était interrogé sur les thèmes suivants : 1. la réaction du secteur Fintech face à la crise du COVD-19 ; 2. la création de néo-banques en Tunisie comme solutions à la crise ; 3. les particularités locales de la Fintech tunisienne ; 4. les conséquences économiques de la crise sanitaire ; 5. les risques majeurs pour les banques dans le cas d’une persistance de la crise.
Afin de fonder les réponses de l’invité, le département Europe – Afrique de WinstantPay a préparé des éléments de langage sur les cinq questions qui ont été en quelque sorte vues d’Afrique.
A propos de la crise économique mondiale
La pandémie est globale. 2,8 millions de personnes ont été affectés par le Coronavirus. 2,7 milliards de la main d’œuvre mondiale a été confrontée à des fermetures totales ou partielles de leurs lieux de travail. Les gouvernements ont été contraints de fournir des plans de relance et des indemnités pour atténuer les coûts économiques.Pour ce qui est de l’impact, quoiqu’il arrive, nous aurons tous à souffrir de cette pandémie d’une ampleur jamais connue. Surtout, nous aurons tous à souffrir de ses conséquences programmées : crise sanitaire sans précédent ; crise économique accompagnée de crises sociales ; crises alimentaires principalement dans les pays du Sud, notamment en Afrique ; ce qui ne manquera pas d’entraîner des crises politiques sur la planète.
Alors est-ce que cela sera pire qu’en 2008 ? Hervé n’est pas économiste mais banquier et spécialiste de Fintech. En fait, la gravité dépendra d’où chacun se trouve sur la planète et de sa place dans la société concernée.
En fonction de votre position, les conséquences auront bien évidemment des portées différentes. Le consommateur se souciera de la meilleure manière de disposer rapidement à son argent. Le petit marchand cherchera la meilleure façon de gagner l’argent de l’économie informelle ou de récupérer les indemnités gouvernementales. Pour ne pas disparaître, le banquier portera vraiment attention à la transformation digitale de la finance. Les startups des Fintech chercheront à gagner toujours plus de parts de marché en optimisant leurs plateformes de finance digitale.
En considérant ces différents acteurs les réponses passeront en revue quelques conséquences du COVID-19 sur le secteur financier, particulièrement au Maghreb et en Afrique.
L’idée directrice est la suivante. Dans le monde d’avant COVID, la compétition régnait dans le secteur financier pour offrir la meilleure expérience au client. Les banques ne cessaient de perdre des parts de marché au profit des Fintech et des opérateurs de téléphonie mobile.
Dans le temps post COVID, il faudra faire preuve de coopération entre acteurs du secteur. Pour que certains établissements financiers ne disparaissent pas. Pour que ceux qui se maintiennent puissent faciliter la vie des plus démunis en augmentant leur inclusion financière.
A propos des réactions du secteur Fintech et des banques dans le monde
Les réactions peuvent être réunies par une problématique bien connue.Que ce soit dans la culture chinoise ou dans la philosophie allemande de Jürgen Habermas, le mot crise renvoie autant aux dangers actuels qu’aux opportunités à venir. Vue d’Asie et d’Europe, la crise peut donc donner lieu à deux visions qui dépendent de la façon dont chaque consommateur, entreprise, banque, Fintech réagira et saura s’adapter… ou pas.Certains considéreront la crise sous l’angle de ce que nous avons à perdre et d’autres de ce que nous avons à gagner. En restant lucide et vigilant sur les dangers, il est utile de pointer les défis auxquels ces crises nous confrontent et les opportunités que le secteur financier peut et surtout doit saisir.
Commençons par les banques. La plupart a été piégée par la crise sanitaire. Elles ont peiné à trouver des solutions adaptées. Dans de rares pays, la continuité des services bancaires a été maintenue, les Pays-Bas par exemple.
Dans de nombreux pays, les services ont été compromis : horaires d'ouverture raccourcis, fermeture de succursales, blocage des cartes, liaison difficile avec les services clients et les centres d’appel, etc.La communauté financière traditionnelle a été mise au défi et a montré qu’elle n'était pas prête pour cette crise.
En revanche, les banques du numérique et les Fintech ont été réactives et innovantes. Ce secteur a travaillé vite et bien pour trouver des solutions rapides. Ses solutions se sont imposées : paiement sans contact ; réception des avantages gouvernementaux via une application ; plateformes de partage des données bancaires ; prêts pour les petites entreprises, etc. La communauté Fintech a été innovante et s’est montrée prête à affronter la crise.
Comment le secteur financier a t’il été impacté par la crise ? Nous avons une première réponse au thème de ce webinaire. Quand les banques traditionnelles ont dû fermer leurs bureaux, les startups et les Fintech ont été prêtes à travailler à domicile.
Quand le consommateur a vu ses déplacements réduits, le maintien d’un accès à ses finances - au moins numériquement – est devenu crucial et même vital.
Les clients des banques ont été encouragés à utiliser les services bancaires en ligne et mobiles plutôt que les services bancaires traditionnels.
Autrement dit, non seulement le virus a accéléré l’évolution du secteur sanitaire et de la recherche biologique, mais il a accéléré l’évolution du secteur financier. Cela n’a pas été à l’avantage des banques.
Plus que jamais, le secteur financier est confronté à son passage d’un réseau localisé de distribution de papier monnaie via des bâtiments, des guichets et des personnels vers la distribution numérique de données via des logiciels et des serveurs sur un réseau mondial.
C’est pourquoi on peut et doit considérer que des changements majeurs interviendront après la crise. Si leurs directions sont lucides, les banques traditionnelles devront accélérer leur transformation numérique : transfert des paiements vers le cloud ; paiements en temps réel / instantanés, banque ouverte et API.
Pour autant faut-il profiter de cette crise pour valoriser les Fintech en enfonçant un peu plus les banques ? Ou faut-il aider les banques à procéder à leur transformation digitale afin qu’elles assument mieux les conséquences de cette crise et se préparent à anticiper les prochaines ?
Le groupe WIN a choisi la coopération pour convaincre les banques de rejoindre notre réseau de banques correspondantes. En se constituant en réseau, les banques, surtout les plus petites, seront plus fortes. Si elles ne se transforment pas, si elles ne coopèrent pas, elles courent le risque de disparaître.
A propos de la création denéo-banques en Tunisie ?
Il y a trois ans, Marko Wenthin, co-fondateur de SolarisBank, répondait ainsi à la question : « les néo-banques n'ont pas besoin d'être de « vraies banques » pour être compétitives dans le secteur bancaire ». Hervé a interviewé Chris Skinner à Tunis il y a deux ans. Voici sa réponse à la question : « le marché a-t-il besoin d'autant de banques pour avoir leurs propres licences et technologies bancaires ? Une Fintech doit-elle être une « banque » appropriée pour être compétitive dans le secteur bancaire ? La réponse est un non catégorique. »Pour répondre d’un point de vue africain, partons de deux constats. En Afrique, les banques sont confrontées à la baisse des crédits, la diminution des actifs et la hausse du coût du risque entraînant un fort impact sur la profitabilité du secteur bancaire africain. Le marché des néo-banques est surpeuplé et beaucoup ne survivront pas.
En Afrique les services de banques mobiles ne cessent de progresser, À l’exception de l’Afrique du Sud, où Vodacom et MTN ont cessé leurs activités de mobile money et du Maghreb, où le déploiement de ces systèmes reste timide.
Dès lors pourquoi créer des néo-banques ? Doit-on se constituer en « vraie banque » pour être compétitif dans le secteur bancaire. À propos des néo-banques, le mythe est qu’elles offriraient une meilleure expérience client à des coûts que les banques ne peuvent pas se permettre.
Mais pourquoi créer une néo-banque, lever des montants énormes pour obtenir sa propre licence, sa propre technologie bancaire, son propre dispositif de conformité, attendre un an et demi au minimum, lorsque le secteur bancaire traditionnel peut nouer les partenariats qui lui permettent de disposer de tous ces outils.
WIN préfère la solution de la coopération, proposée précédemment. Dans un contexte de crise, il n’est pas opportun de toujours réinventer la roue et de créer de nouvelles banques. La coopération entre banques et Fintech pour l’intégration de la technologie et de la finance est nécessaire et inévitable pour faire face aux temps de crises qui s’annoncent.
A titre d’exemple, le groupe WIN est actuellement en négociation avec plusieurs banques africaines pour une offre d’intégration de la technologie et de la finance. Nous n’avons pas ici le temps de détailler, mais voici l’architecture de la coopération qui repose sur les trois sociétés du groupe WIN et leurs neuf produits de base qui permettent une numérisation complète des services bancaires.
A propos des particularités de la Fintech tunisienne
En période COVID et post-COVID, en Afrique et particulièrement en Tunisie, plus que le banquier, ce sont surtout les consommateurs, les petits marchands de l’économie informelle, les PME, leurs clients qui ont eu et auront à souffrir d’un manque de finances et par conséquent devraient bénéficier d’une meilleure inclusion financière.Pour nombre de consommateurs en Afrique, COVID-19 est un grand défi pour les banques mais aussi une opportunité d'accélérer le decashing et d'augmenter le volume des paiements en ligne. Malheureusement, il est peu probable que les consommateurs les plus touchés aient les moyens d'acheter des smartphones, qui sont nécessaires pour les portefeuilles électroniques traditionnels.
C’est pourquoi nous proposons VO2 Tech, solution inclusive qui restera pertinente en cas de pandémie, de catastrophe ou de conflit. VO2 Tech est le seul portefeuille, utilisant des TrustedKeys physiques ou numériques (éléments de sécurité enregistrés), sans avoir besoin d'un téléphone portable, donc inclusif de tous les utilisateurs quel que soit leur budget.
Le commutateur VO2 Tech se connecte à plusieurs portefeuilles, marchands et plateformes de commerce électronique. Conforme à la distanciation sociale, VO2 Tech minimise les contacts tout au long de la chaîne de valeur, permettant à chacun de recevoir des paiements électroniques quels que soient ses moyens. Les VO2 Trustedkeys sont uniques en ce sens qu'elles peuvent être livrées sous forme de carte combinée NFC + QR code avec un coût de production, inférieur à 1 dollar américain.
Dans le contexte de la pandémie COVID-19 et d'une économie de distanciation physique et sociale, VO2 Tech offre des perspectives pour maintenir ou développer le financement inclusif des consommateurs, des petites et moyennes entreprises et des gouvernements. Pour aider le secteur à faire face au COVID nous avons considéré six types de transactions : P2B, D2P, G2P, P2G, P2B, B2B, B2P
Pour conclure
Où cette crise conduira-t-elle le secteur financier ? Où cette crise conduira-t-elle les populations les plus démunies ? Combien de temps durera-t-elle ?Ce que nous savons, c’est qu’elle présente des risques réels à la fois pour la banque traditionnelle et pour l’inclusion financière des plus défavorisés.
Cependant, gardons à l’esprit qu’elle offre aussi des opportunités issues de l'innovation technologique et de notre capacité à coopérer pour construire des systèmes financiers plus efficaces, plus réactifs et plus inclusifs, plus responsables au service des consommateurs.
Cette pandémie produira des avancées pour certains et des revers pour d’autres, dans le secteur financier comme pour les populations. En premier lieu, tout dépend de la façon dont les décideurs politiques répondront à ce défi mondial.
Cela dépendra aussi de la façon dont le secteur financier tirera les conclusions de cette crise en termes de réorganisation des services. Il devra aussi fournir tous les outils possibles aux populations, particulièrement aux familles vulnérables à faible revenu et aux entreprises qui les servent.
Les temps extraordinaires que nous venons de vivre exigent des solutions extraordinaires. L’Afrique a été un continent moins touché que d’autres plus riches, l’Europe, l’Amérique.
Mais l’Afrique, plus que d’autres, sera touchée par les conséquences économiques, alimentaires, sociales de cette crise. Le secteur financier doit agir immédiatement, non pas en concurrence mais en concertation, pour veiller à ce que les établissements évitent de disparaître et se maintiennent en accélérant leur transformation numérique.
Le secteur financier devra surtout prouver que les plus pauvres et les plus vulnérables ne soient pas laissés sur le bord du chemin.
Auteur: GILLES KLEIN - WinstantPay Managing Director Europe - Africa